L’article L2212-8 et son rôle dans le débat
Depuis son introduction en 1975 avec la loi légalisant l’avortement, l’article L2212-8 du Code de la santé publique permet aux médecins, sages-femmes, infirmiers et autres personnels médicaux de refuser de pratiquer une IVG pour des raisons personnelles ou éthiques. Cette mesure est distincte de la clause générale de conscience, inscrite à l’article 47 du Code de déontologie médicale, qui autorise tout praticien à refuser un acte médical, sauf en cas d’urgence ou pour des raisons humanitaires.
La coexistence de ces deux textes a engendré ce que certains appellent une "double clause de conscience" spécifique à l’avortement. Ce traitement particulier suscite des interrogations et demeure un sujet sensible dans les débats législatifs, particulièrement lors des révisions de la loi sur l’IVG.
Simone Veil - une loi sous condition
Pour comprendre l’existence de cette clause, il faut remonter à 1975, lorsque Simone Veil, alors ministre de la Santé, a défendu la loi dépénalisant l’avortement. Cette législation autorisait l’IVG jusqu’à 10 semaines pour les femmes en situation de "détresse". Elle a également intégré la clause de conscience spécifique afin de préserver un équilibre face à l’opposition d’une partie des législateurs et de la communauté médicale.
Cette concession, jugée nécessaire à l’époque, visait à protéger les professionnels opposés à l’avortement tout en garantissant l’accès des femmes à ce service. Cependant, la déclaration de "détresse" a été abrogée en 2014, mais la clause de conscience, elle, reste inchangée.
Les arguments pour et contre le maintien de la clause
Aujourd’hui, les avis divergent sur la nécessité de maintenir cette clause spécifique. Selon Joëlle Belaïsch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens de France, les professionnels doivent continuer à avoir la possibilité d’exercer leur liberté de conscience, à condition d’orienter rapidement les patientes vers un autre praticien.
Les partisans du maintien de cette clause invoquent :
●La protection des convictions personnelles des professionnels.
●Une garantie d’équilibre entre droits des patients et respect des praticiens.
Les opposants soulignent :
●Une entrave potentielle à l’accès des femmes aux soins, notamment dans les zones médicalement sous-dotées.
●Le risque de stigmatisation des patientes cherchant à accéder à une IVG.
Une question toujours d’actualité
Cinquante ans après la loi Veil, la clause de conscience spécifique à l’avortement continue d’alimenter les débats sociétaux et législatifs. Entre respect des convictions des professionnels et droits des femmes, le défi reste de trouver un juste équilibre. Pour l’instant, cette disposition reste une composante essentielle du cadre juridique français concernant l’IVG, garantissant à la fois des droits individuels et une prise en charge des patientes.
Source: lemonde.fr